Le calendrier amazigh, aussi appelé calendrier berbère, est un système de datation ancestral employé par les peuples autochtones d’Afrique du Nord. Il trouve ses racines dans l’histoire agricole des Amazighs, utilisée pour organiser les cycles de culture, les fêtes saisonnières et les rites communautaires.
Chez les Touaregs, peuple nomade du Sahara, ce calendrier a évolué sous une forme particulière, adaptée à la vie dans le désert et empreinte de leurs influences linguistiques et culturelles.

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Origines du calendrier amazigh
Le calendrier amazigh remonte à plus de 2 950 ans. Basé sur l’année solaire, il s’inspire du calendrier julien, introduit par les Romains lors de leur présence en Afrique du Nord.
Cependant, bien avant cette influence étrangère, les Amazighs observaient déjà les phénomènes naturels — comme les saisons, les pluies ou les récoltes — pour structurer leur année.
Le point de départ officiel du calendrier amazigh est fixé à 950 avant J.-C., date symbolique correspondant à la montée sur le trône du pharaon amazigh Chachnaq Ier en Égypte.
Ce choix illustre la volonté des Amazighs de revendiquer leur héritage historique et leur civilisation millénaire à travers un système calendaire enraciné dans leur identité.
Spécificité du calendrier chez les Touaregs
Les Touaregs, appelés aussi Kel Tamasheq, sont un peuple berbère nomade vivant principalement entre le Mali, le Niger, l’Algérie et la Libye.
Bien qu’ils partagent la base culturelle amazighe, leur langue (le tamasheq) et leur mode de vie nomade dans le Sahara ont façonné une version distincte du calendrier amazigh.
Contrairement aux Amazighs sédentaires du nord de l’Afrique, les Touaregs ont intégré dans leur calendrier des éléments liés au nomadisme et à la vie dans le désert :
- L’importance des saisons de déplacement,
- Les périodes de pluie ou de sécheresse,
- Et la symbolique du temps dans la culture orale.
Leur calendrier reflète ainsi un mélange linguistique et culturel, où les noms des mois portent à la fois des traces latines et des influences locales.
Les noms des mois en touareg
| Mois grégorien | Mois en touareg |
|---|---|
| Janvier | Innar |
| Février | Forar |
| Mars | Mars |
| Avril | Ibri |
| Mai | Mayo |
| Juin | Yunioh |
| Juillet | Yulyez |
| Août | Ghuchet |
| Septembre | Chetember |
| Octobre | Tuber |
| Novembre | Wanber |
| Décembre | Dejamber |
Ces appellations sont en grande partie des adaptations phonétiques des noms des mois du calendrier julien ou grégorien, ajustées à la phonologie touarègue.
Par exemple :
- Innar vient de Janvier,
- Forar dérive de Février,
- Chetember est une forme adaptée de Septembre.
Cette assimilation linguistique témoigne de la capacité d’adaptation culturelle des Touaregs, qui ont su intégrer les influences extérieures sans perdre leur essence identitaire.
Les jours de la semaine en touareg (Tamasheq)
| Français | Touareg (Tamasheq) |
|---|---|
| Lundi | Altsen |
| Mardi | Sinen |
| Mercredi | Kraḍen |
| Jeudi | Kozen |
| Vendredi | Semsen |
| Samedi | Sedis |
| Dimanche | Sendes |
Ces noms varient légèrement selon les régions et les dialectes touaregs.
Fêtes et rituels liés aux mois
Chez les Touaregs, le calendrier n’est pas un simple repère du temps : il structure la vie quotidienne, les rites sociaux, les fêtes saisonnières et les événements religieux. Bien que le Sahara ne permette pas une agriculture abondante, certaines célébrations restent liées au rythme de la nature et au cycle du désert.
Yennayer : le Nouvel An amazigh
Parmi les fêtes les plus importantes du monde amazigh, Yennayer occupe une place centrale. Il correspond au 12 janvier grégorien, soit le 1er jour du mois de Yennayer dans le calendrier amazigh.
Chez les Touaregs, cette célébration prend une dimension à la fois symbolique et spirituelle.
Elle marque :
- Le renouveau de la vie et le retour de la lumière après les longues nuits d’hiver.
- La fertilité de la terre et la prospérité des troupeaux.
- La paix et la solidarité au sein des tribus.
C’est aussi un moment de transmission culturelle, où les anciens racontent les origines du peuple, rappellent les valeurs de sagesse et de courage, et bénissent la nouvelle année.
Autres périodes et rituels
Certaines périodes du calendrier touareg sont marquées par des événements sociaux ou climatiques majeurs :
- Mars / Mars : période de transition climatique. C’est souvent le moment où les campements se déplacent vers de nouvelles zones de pâturage.
- Mai / Mayo : mois de préparation aux déplacements estivaux. Les troupeaux sont organisés, les ressources évaluées.
- Décembre / Dejamber : période de rassemblement dans les campements, propice aux contes, à la poésie orale et aux chants traditionnels.
Durant ces moments-clés, des cérémonies appelées assakars (fêtes communautaires) sont souvent organisées. Elles comprennent :
- Des chants imzad, accompagnés de la célèbre vièle touarègue, jouée exclusivement par les femmes.
- Des danses collectives et des poèmes épiques évoquant les ancêtres ou les grands événements de la tribu.
- Des partages de repas rituels, symbolisant la fraternité et la continuité du groupe.
Transmission et préservation
Un savoir oral et poétique
Le calendrier touareg se transmet principalement par voie orale. Les anciens, les poètes (imenan) et les conteurs (amawlan) jouent un rôle essentiel dans la préservation de cette mémoire.
Chaque mois, chaque saison est associée à des proverbes, légendes ou chants en langue tamasheq, qui permettent de mémoriser les repères temporels.
Les menaces actuelles
Cette richesse immatérielle est cependant menacée par plusieurs facteurs :
- L’urbanisation rapide et la sédentarisation des jeunes générations.
- La scolarisation en langues étrangères (français, arabe), au détriment du tamasheq.
- L’absence de documentation officielle dans les programmes scolaires.
Ces transformations sociales fragilisent la transmission intergénérationnelle du calendrier et des savoirs traditionnels.
Les efforts de sauvegarde
Face à ce risque de disparition, plusieurs initiatives émergent :
- Programmes de revitalisation linguistique portés par des associations touarègues.
- Recherches anthropologiques et linguistiques visant à collecter les récits oraux et à documenter les variations régionales du calendrier.
- Intégration progressive du calendrier amazigh dans certaines écoles et institutions culturelles au Maroc, en Algérie et au Niger.
Ces actions visent à redonner vie à une mémoire collective millénaire, tout en l’adaptant aux réalités du monde moderne.
Le calendrier amazigh, et plus encore sa version touarègue, dépasse la simple fonction de repère chronologique.
Il est un miroir culturel, un langage symbolique et un outil d’identité.
À travers se lui lit l’histoire d’un peuple nomade qui a su synchroniser son temps avec celui du désert, tout en conservant une vision spirituelle et poétique du monde.
Aujourd’hui, préserver ce calendrier, c’est préserver la mémoire vivante des Touaregs et, au-delà, celle de toute la civilisation amazighe.
